On reprend un article de Yannick Estienne apparu d´abord sur le dossier spécial critiquer les média chez la revue mouvements (publiée par CAIRN) récupéré par L'Atelier des Médias libres et distribue ensuite para le Rezo. Une analyse avec des points fort intéressantes sur les possibilités de bâtir de médias alternatifs, l'apparition de nouveaux moyens de transmission d'info et le rôle/responsabilité des mouvements sociaux pour construire un discours alternatif aux médias traditionnelles. Des notions comme l´insurrection informationnelle et la cooptation par les forces du marché des nouvelles formes d´expression sont ainsi discutées sur le texte.
Par ailleurs, on est déjà sur twitter (@onada expansiva) ;-)
On s´est permis de actualiser certains points du récit de Mr. Estienne et transformé quand possible les notes-au-bout de page par des hyperliens pour faciliter la lecture, par ce qui est le dernier paragraphe a propos du collectif rebellyon il faut noter que ce n´est pas l´avis de l´organisation dont le text faites mention. Également il faut noter qu´on partage pas plusieurs des affirmations du Mr. Estienne, peut-etre parce qu´on vit pas d´etudier (et critiquer) les mouvements sociaux a charge de l´Etat? On a ajouté des liens, photos et matériel supplémentaire.
Indymedia aujourd’hui : la critique en acte du journalisme et les paradoxes de l’open publishing
Yannick Estienne
Novembre 1999. Sommet de l’OMC. Les rues de Seattle sont le théâtre de
la première offensive de masse contre ce qu’on appelle alors la
« mondialisation néo-libérale ». Présents en nombre sur place, les
journalistes découvrent les formes nouvelles et spectaculaires de la
contestation, ainsi que l’ampleur de la répression policière.
Mais à Seattle la presse mainstream n’est pas seule à produire et à relayer l’information. Pour la durée du contre-sommet, un Media Center indépendant (IMC pour Independant media center) a été mis en place par une poignée de médiactivistes dans le but d’alimenter les grands médias en information, telle une agence de presse alternative, et d’offrir aux militants un moyen de coordonner eux-mêmes leurs actions à travers une plateforme Web de publication.
Mais à Seattle la presse mainstream n’est pas seule à produire et à relayer l’information. Pour la durée du contre-sommet, un Media Center indépendant (IMC pour Independant media center) a été mis en place par une poignée de médiactivistes dans le but d’alimenter les grands médias en information, telle une agence de presse alternative, et d’offrir aux militants un moyen de coordonner eux-mêmes leurs actions à travers une plateforme Web de publication.
L’existence de cette zone autonome temporaire de communication, témoigne déjà de l’importance, dans le mouvement antiglobalization
émergent, de la question de la critique des médias. En raison de son
succès (un million de connexions par jour), l’expérience sera renouvelée
à l’occasion d’autres temps forts de la contestation (à Prague, Nice,
Gènes, etc.).
Et pour développer, hors sommets du G8 ou de l’OMC, les pratiques
nouvelles de
communication autonomes, plusieurs sites Web verront le jour, d’abord
aux Etats-Unis, puis en Europe. C’est dans ce contexte-là que naît
Indymedia. Réseau mondial de médias indépendants, Indymedia (contraction
d’independant media) fonctionne de manière autogérée, horizontale et
décentralisée. Dix ans après la création du premier site Indymedia, on
dénombre aujourd’hui près de 200 sites Web à travers le monde, dont cinq
en France (Bordeaux, Grenoble, Lille, Nantes et Paris).
Chaque site local est géré par un collectif de militants bénévoles qui
se recrutent
majoritairement dans la frange anticapitaliste et antiautoritaire de la
contestation. Mais la particularité de ce média alternatif est qu’il
repose sur un principe d’inspiration libertaire : la publication ouverte (open publishing). Sur Indymedia, tout le monde peut publier
librement de l’information sur les luttes et partager ses analyses
critiques pour « changer le monde en l’améliorant ».
Il n’y a ni contrôle éditorial ni journalistes. Ce sont les internautes
qui fournissent eux-mêmes le contenu sans que celui-ci ait à passer par
le filtre journalistique.
Quant aux membres d’Indymedia, leur rôle consiste à faire fonctionner
techniquement l’outil et à modérer les articles publiés de manière
transparente à partir d’une charte dont chaque collectif peut se doter.
« Don’t hate the media, be the media ! ». On retrouve dans ce
slogan célèbre de Jello Biaffra un condensé des principes fondateurs
d’Indymedia. Certes pour les artisans de ce média alternatif l’enjeu
consiste à s’autonomiser des grands médias qui ignorent ou malmènent la
parole des « révoltés » et les idées dissidentes. Mais les moyens
comptent tout autant que la fin. Pour reprendre la dichotomie opérée par
Dominique Cardon et Fabien Granjon entre posture critique
« anti-hégémonique » et posture « perspectiviste » (la « critique perspectiviste » refuse l’accaparement de la parole par
les professionnels, les porte-paroles et les
experts voire « Peut-on se libérer des formats médiatiques ? Le mouvement altermondialisation et l’Internet »,
Mouvements, n°25), il ne s’agit pas pour eux de proposer un média « anti-hégémonique »
de plus, dont le contenu serait fourni par un petit nombre de
spécialistes de la contre-information.
L’information sur les luttes et pour une transformation sociale ne
doit plus être la prérogative de quelques journalistes alternatifs et
autres maîtres à penser de l’élite militante. Trop souvent confisquée
par des spécialistes et prescripteurs d’opinions, la parole doit être
libérée. Tel est le souhait des activistes d’Indymedia qui travaillent à
l’effacement de la frontière entre producteurs (actifs) de
l’information et consommateurs (passifs) en proposant un outil
permettant l’expression d’une multitude de voix, d’une diversité de
visions politiques et d’une pluralité
de récits.
Consubstantiel au projet Indymedia et étroitement lié à l’esprit de partage qui anime la « communauté du libre » (voire Blondeau., Latrive, Libres enfants du savoir numérique. L’Eclat. 2000) , le concept d’open publishing apparaît, à l’aube de l’an 2000, comme un concept révolutionnaire qui porte en lui le potentiel de transformer le rapport traditionnel et vertical à l’information. Ce concept prend alors corps dans le logiciel Active qui offre à tous la possibilité de publier, de partager et d’organiser l’information à distance et de manière décentralisée.
Adapté au fonctionnement d’Indymedia, ce logiciel permet de faire un saut qualitatif dans le processus de décentralisation d’Internet et d’autonomisation de ses usagers. Il faut en effet se rappeler qu’à cette époque, l’immense majorité des internautes se contente de consulter de manière passive des pages et des sites Web administrés par quelques webmasters. Seuls capables de publier du contenu, ces derniers gardent la main sur les sites qu’ils développent. Peu d’internautes sont alors en mesure de concevoir leurs propres moyens de publication ni d’interagir avec le contenu en ligne.
On est tous/tes des témoins, on est tous/tes des journalistes CMI Manila |
S’il est important de reconnaître qu’en 1999 l’open publishing
s’impose comme une
innovation radicale, aujourd’hui, à l’heure du blogging généralisé, du
succès des réseaux sociaux en ligne et des médias « citoyens »,
participer à l’information nous semble pour le moins banal.
Journalistes, essayistes et experts nous l’ont suffisamment répété
depuis que la nouvelle génération de sites participatifs et sa cohorte
de start-up pleines de promesses ont vu le jour : avec le Web 2.0,
produire et diffuser du contenu original (texte, vidéo, image, son…) est
à la portée de tous. Si Indymedia a, en quelque sorte, ouvert la voix,
il existe désormais pléthore de sites qui fonctionnent, en partie du
moins, sur le principe de l’open publishing.
Ce qui passait pour révolutionnaire dans l’ordre de la production médiatique s’est aujourd’hui largement banalisé et institutionnalisé. Alors que de plus en plus de médias mainstream encouragent la participation libre à l’information, des collectifs Indymedia sont quant à eux tenté, sinon d’abonner l’open publishing, du moins de prendre des mesures pour restreindre le bruit généré par cette participation chaotique qui menace la qualité éditoriale et le sens politique du projet. Nous allons donc nous arrêter sur ce qui semble être un paradoxe en évoquant les contraintes et les limites de l’open publishing à partir des réflexions menées par les activistes engagés dans la redéfinition permanente du projet politique d’Indymedia. Pour cela, il faut revenir sur le potentiel critique de l’open publishing tel qu’il a été conçu, au service d’une remise en cause radicale de la fonction de journaliste. La matière sur laquelle nous nous appuyons ici se compose d’extraits de documents écrits et d’entretiens effectués avec des membres de collectifs francophones. Pour garantir leur anonymat, nous avons choisi de ne pas même mentionner les pseudonymes de nos interlocuteurs.
Ce qui passait pour révolutionnaire dans l’ordre de la production médiatique s’est aujourd’hui largement banalisé et institutionnalisé. Alors que de plus en plus de médias mainstream encouragent la participation libre à l’information, des collectifs Indymedia sont quant à eux tenté, sinon d’abonner l’open publishing, du moins de prendre des mesures pour restreindre le bruit généré par cette participation chaotique qui menace la qualité éditoriale et le sens politique du projet. Nous allons donc nous arrêter sur ce qui semble être un paradoxe en évoquant les contraintes et les limites de l’open publishing à partir des réflexions menées par les activistes engagés dans la redéfinition permanente du projet politique d’Indymedia. Pour cela, il faut revenir sur le potentiel critique de l’open publishing tel qu’il a été conçu, au service d’une remise en cause radicale de la fonction de journaliste. La matière sur laquelle nous nous appuyons ici se compose d’extraits de documents écrits et d’entretiens effectués avec des membres de collectifs francophones. Pour garantir leur anonymat, nous avons choisi de ne pas même mentionner les pseudonymes de nos interlocuteurs.
Indymedia ou la critique radicale du journalisme
« Médias autonomes », « médias libres », « médias indépendants »,
« médias
alternatifs », « médias critiques », etc., autant d’expressions qui
servent indifféremment à nommer la catégorie dans laquelle les
activistes d’Indymedia peuvent se reconnaître. Pour les intéressés, le
nom importe moins que la démarche. Toutefois, si d’aucuns sont tentés de
ranger Indymedia dans la case « média du tiers-secteur », la plupart
des mediactivistes conçoivent Indymedia comme un « media de lutte », à
l’instar d’un samizdat du temps de la Russie soviétique, d’une radio
pirate du temps de l’ORTF, de la presse clandestine du temps
de la résistance ou d’une chaîne de télévision « réappropriée » par le
peuple insurgé du temps de la « Commune » de Oaxaca.
Banderole en hommage a Brad Will, assassiné au Oaxaca, Mexique pendant le soulevement populaire d´octobre 2006. |
Les analyses des médias qui s’inscrivent dans la tradition critique (depuis les théories critiques de l’Ecole de Francfort (Adorno,
Marcuse), jusqu’aux récents travaux des sociologues bourdieusiens
(Champagne, Halimi, Rimbert, Maler, etc.)
convergent généralement pour dénoncer la marchandisation de
l’information, la constitution de baronnies médiatiques, le journalisme
de connivence, ou encore le nivellement culturel et la dépolitisation
des publics. À ces critiques les plus entendues et peut-être les plus
audibles, les activistes d’Indymedia ajoutent une critique radicale du
journalisme, d’inspiration explicitement libertaire. Ceux qui se
demandaient si Indymedia défendait qu’un « autre journalisme est
possible » ont leur réponse. Comme le dit un texte d’intention rédigé en
2005 par Indymedia Grenoble, « nous voulons en finir avec le journalisme ».
Certes, tous les
individus et collectifs appartenant au réseau mondial Indymedia ne
partagent pas cet objectif-là. Des disparités importantes existent et
les nuances ne sont pas seulement d’ordre sémantique. D’un collectif à
l’autre, on retrouve en effet autant de visions différentes du projet
Indymedia qu’il y a de profils sociologiques différents. Certains
médiactivistes d’ailleurs n’hésitent pas à se définir eux-mêmes comme « journaliste »,
alors que des collectifs ont choisi de singer le fonctionnement de la
presse mainstream avec ses conférences de rédaction et sa spécialisation
des tâches, comme à Indymedia New-York (Beckerman, « Edging
away from anarchy. Inside the Indymedia collective, passion vs.
pragmatism »,
Columbia Journalism Review, September/October 2003). Quant aux
journalistes, ils calquent leurs catégories prêtes à l’emploi quand il leur arrive de
parler d’Indymedia. Ce fut le cas notamment lors de la mort de Brad Will
à Oaxaca en 2006, mediactiviste présenté par la presse internationale
comme un « journaliste américain d’Indymedia ». Si, comme on le
voit, les choses ne sont pas si claires ni les positions sur le sujet
aussi tranchées, dans le réseau francophone beaucoup se retrouvent quand
même autour du mot d’ordre « en finir avec le journalisme ». Arrêtons
nous un instant sur cet énoncé pour mieux en saisir le sens.
Rompre avec le journalisme professionnel
De prime abord, la critique s’adresse à l’ensemble des journalistes
de métier. Bien
entendu, la plupart des mediactivistes reconnaissent qu’il existe des
journalistes « honnêtes » qui n’ont pas peur d’afficher clairement leur
sensibilité de « gauche », comme il existe des journalistes marginalisés
dans la profession qui subissent la précarité et l’ostracisme
professionnel. Il est difficile en effet de ne pas se sentir solidaire
de cette minorité-là. Mais en règle générale, les membres d’Indymedia
n’ont pas de mots assez durs pour la corporation des journalistes et son
aristocratie qui n’hésitent pas à se placer « du côté du marché » ni à
défendre « servilement » les « puissants », leurs « employeurs », et
leurs « intérêts de classe ».
La critique du journalisme cible les « journalistes aux ordres »,
elle porte également sur le caractère professionnel de cette activité de
production de biens symboliques. Pour les activistes d’Indymedia,
l’approche professionnelle entre trop souvent en contradiction avec
l’éthique libertaire et les projets de transformation sociale. Pas
seulement parce qu’être un « professionnel » signifie souvent être un
« salarié » rétribué pour l’exercice de cette activité au risque que le
jeu de la contrepartie pécuniaire ne corrompe l’indépendance et
l’engagement moral. Mais avant tout parce que la professionnalisation
traduit une prise de pouvoir insupportable : celle de l’« expert » sur
le « profane », du professionnel sur l’amateur et le militant. « Notre
travail n’a pas pour but de recréer de nouveaux spécialistes de
l’information, fussent-ils subversifs. Ne pas rompre radicalement avec
la professionnalisation
de l’information nous expose à la récupération et à l’assimilation par
le "parti de la presse et de l’argent", comme bien d’autres l’ont été
avant nous » (Extrait d’un compte-rendu de réunion du collectif Indymedia Paris,
septembre 2002).
Un membre d’Indymedia fait le constat que « la professionnalisation du
journalisme
sert à légitimer l’ordre social », en valorisant la compétence technique
et en disqualifiant la posture indignée et partisane. Il rejoint en
cela certaines conclusions de travaux de recherche critique sur le
journalisme et les médias qui ont mis à jour le fait que la
professionnalisation du journalisme a conduit à dénigrer sa fonction
critique. On pense notamment à la thèse de qui a montré
qu’aux Etats-Unis le développement des entreprises de presse modernes et
la normalisation des pratiques professionnelles ont toutes deux servi à
légitimer
le status quo (Tuchman,Gale Making news, A study in the construction of reality, The free
press, 1978) . On pense également au travail de Sandrine Lévêque (Lévêque, Les journalistes sociaux, PUR, 2000)
sur le mouvement de
professionnalisation des journalistes sociaux qui, au début du 20e
siècle, étaient des militants formés sur le tas et proches de la classe
ouvrière avant d’être progressivement remplacés par une nouvelle
génération de journalistes issus de milieux sociaux supérieurs
bénéficiant d’un niveau de formation plus élevé. Avec la rationalisation
de leur activité, les journalistes sociaux ont dû intégrer la norme
dominante de l’excellence journalistique et renoncer au
modèle de légitimité professionnelle qu’incarnait la figure
traditionnelle, et désormais disqualifiée, du journaliste militant.
D’une manière générale, le journalisme professionnel a construit sa
légitimité sur le rejet de l’engagement partisan. On comprend dès lors
pourquoi les activistes tiennent à rompre avec la posture
professionnelle et à afficher que « sur Indymedia, il n’y a pas de
professionnels de l’information ».
http://perth.indymedia.org |
Par ailleurs, le « professionnalisme » est perçu comme un puissant
vecteur
d’homogénéisation des pratiques et de l’imaginaire. Lorsque les
pratiques, les genres et les styles narratifs sont codifiés, le sens est
souvent, lui aussi, cadenassé. Il s’agit de critiquer l’ordre du
discours journalistique et l’idéologie professionnelle : la manière
d’écrire les « papiers » ou de construire les « reportages » ; la
manière de calibrer les articles ou de cadrer l’image ; mais aussi la
manière chaste d’afficher une « neutralité ». La publication ouverte
offre au contraire la possibilité de proposer des contributions
échappant aux contraintes formelles de l’écriture et de la grammaire
journalistique. Faire un récit subjectif à plusieurs voix, témoigner
d’une expérience personnelle, restituer une interview in extenso,
reproduire un tract, proposer une analyse politique, inviter à l’action,
le tout en puisant dans la plupart
des répertoires du discours et en s’autorisant à recourir à la satire,
au détournement, à la digression métaphorique : sur Indymedia on trouve
des produits rédactionnels hybrides qui subvertissent les catégories et
genres journalistiques. Comme le soulignent Dominique Cardon et Fabien
Granjon, Indymedia permet d’ouvrir « à une diversité de postures
d’énonciation à l’encontre des règles de distanciation de l’écriture
journalistiques » (Cardon, Granjon, « Médias alternatifs et radicalisation de la
critique », La démocratie aux extrêmes. Sur la radicalisation politique,
dir. Collovald et Gaiti, La dispute, 2006.)
Diagrame qui montre la coordination entre IMC global/national/local elaborée para IMC Urbana Champaigne |
Les médiactivistes défendent l’idée qu’il « vaut mieux savoir assumer
sa subjectivité
et le point de vue qu’on adopte sur les faits », au lieu de prétendre à
une « soit-disante objectivité » qui n’est que pure « mystification ».
Au-dessous de la bannière du site Indymedia Grenoble, on peut lire :
« la neutralité n’existe pas ». Cet avertissement vise à rappeler que,
tout comme, dans les sociétés hiérarchisées et inégalitaires,
« l’égalité des points de vue » est un leurre, les journalistes, même
s’ils s’en défendent, prennent constamment parti en « anglant » leurs
sujets, en choisissant leurs mots ou en sélectionnant leurs
interlocuteurs.
Seattle a prouvé comme des médias alternatifs ont eté capables de démonter complètement la version officielle notamment vis-à-vis des brutalités policières. |
Dire que « la neutralité n’existe pas » est, en outre, une manière de souligner que pour les journalistes la neutralité se réduit souvent à la construction de couples d’opposition (le partisan contre l’opposant, l’expert contre le militant, la gauche contre la droite, etc.) qui traduisent des catégories de perception dont il serait pourtant possible de montrer les limites.
En composant de tels couples d’opposition, les journalistes opèrent
une réduction de la complexité du réel et condamnent au silence une
multitude de voix. Et lorsqu’ils donnent la parole alternativement au
dominant et au dominé, ils n’interviennent nullement dans le
rééquilibrage du rapport de domination qui consisterait, à travers un
mécanisme de discrimination médiatique positive, à inverser le rapport
en privilégiant les majorités silencieuses et les minorités opprimées.
Or, à défaut d’une telle attitude volontariste de leur part, « leur »
neutralité contribue à reconduire la domination comme le dit un membre
d’Indymedia qui considère comme étant de son devoir de faire émerger et
de défendre les points de vue minoritaires : « Les journaleux croient
bien faire leur boulot quand ils donnent la parole 15 secondes à un
gréviste, entre un expert et un manager. Comme si leur parole avait
autant de poids. Comme si c’était pas le devoir du journaliste de
rétablir un peu la balance ». Enfin, affirmer que « la neutralité
n’existe pas » est une manière de rappeler tacitement que si la
neutralité devait toujours se résumer à ne donner raison à personne,
être neutre serait une faute morale. Une idée que souhaite illustrer un
activiste en citant une phrase entendue : « le journalisme c’est donner
la parole une minute aux juifs, et une minute à
Hitler ».
En finir avec la fonction de journaliste
Sans équivoque, la charge contre le journalisme et son idéologie
contraste
sensiblement avec le programme libéral des médias dits « citoyens » sur
Internet, qui tient dans la formule « demain, tous journalistes ! »( Il s’agit du nom que Benoît Raphaël, fondateur du site Lepost.fr, a
donné à son blog qui traite des nouvelles tendances des médias) .
Indymedia oeuvre plutôt, comme on l’a vu, à
construire un monde sans journalistes. Initialement, les collectifs
Indymedia ont adopté l’open publishing parce qu’il colle à l’objectif
double d’offrir d’une part un espace de parole à tous les résistants,
les dominés, les minoritaires et les sans-voix, et d’abolir d’autre part
la fonction même de journaliste. « Nous voulons lutter contre la
fonction de « journaliste », ce spécialiste de l’information qui,
derrière sa prétendue objectivité, possède un vaste pouvoir sur notre
compréhension du monde et nos idées ». Changer le monde dans une
perspective révolutionnaire et libertaire passe par l’abandon de l’idée
qu’il faille déléguer à d’autres dont
on se rend dépendant, le soin notamment de nous informer.
Les activistes s’en prennent en effet aux experts, aux journalistes
et aux éditeurs qui, à travers le contrôle des moyens de production et
de diffusion de l’information, nous refusent la prise de parole directe
et s’arrogent le droit de sélectionner pour nous les « nouvelles »,
d’interpréter pour nous « l’actualité », et de nous imposer leurs
représentations du monde.
Comme le résume Gaye Tuchman, « les "news" ont pour but de nous dire
ce que nous vous voulons savoir, ce que nous avons besoin de savoir, et
ce que nous devrions savoir » .
Mais l’idée n’est pas de parvenir, via le dispositif de publication
ouverte, à remplacer les journalistes aux ordres par des journalistes
révolutionnaires afin de renouveler les genres et le discours
journalistiques. Il ne s’agit pas de substituer un agent de la
confiscation de la parole par un autre, mais plutôt de rompre avec le
principe de la séparation des rôles et son corollaire, délégation de
pouvoir. Défendre l’idée qu’il n’est nul besoin de journaliste, nul
besoin d’intermédiaire autorisé, nul besoin d’annexion de compétences,
nul besoin d’attribuer à une caste de spécialistes la fonction
d’informer ses pairs. Dans cette perspective radicale qui fait écho à la
praxis situationniste, il faut rétablir l’unité perdue entre le dire et
le faire, entre penser et agir, entre produire et consommer de
l’information. « Nous proposons aux lectrices et aux lecteurs de mener
leurs propres enquêtes, à leur niveau, avec le temps dont ils et elles
disposent », peut-on lire sur un document écrit par le collectif
Indymedia Grenoble. Et cette incitation à refuser d’être spectateur de
sa vie et à prendre du contrôle sur le processus d’information s’inscrit
dans une vision globale qui rejoint la mission confiée à l’open
publishing : « permettre à tous, en devenant acteur de l’information, de
se rendre compte qu’il est possible de prendre les commandes des
aspects de la vie qui ont été jusqu’à présent laissé aux ‘experts’ ou
aux ‘professionnels’ » (extrait du FAQ d´Indymedia).
Cette vision de l’émancipation contraste nettement avec la stratégie
d’empowerment défendue par la plupart des acteurs et des contempteurs
des médias dits « citoyens » qui appellent de leurs voeux à la
constitution d’un « 5e pouvoir » (celui des blogeurs et citoyens
« branchés »), ou à la prise du pouvoir des « pronétaires », néologisme
malheureux et sociologiquement vide, sensé désigner le sujet historique
de la révolution populaire à l’ère informationnelle ( Essayiste et prospectiviste célèbre, Joel de Rosnay est aussi à
l’origine du projet de site participatif, Agoravox. La révolte du pronetariat, Fayard, 2005).
À Indymedia, on rejette l’idée même de prise de pouvoir. Situé sur le
terrain l’information, le combat ne vise pas à construire un
contre-pouvoir mais plutôt un antidote au pouvoir, un « anti-pouvoir »,
comme l’écrit John Holloway.
Connu dans les milieux radicaux pour être
le théoricien de « l’anti-pouvoir » et du néo-zapatisme (Holloway, Changer le monde sans prendre le pouvoir, Syllepse, 2008),
Holloway a décrit l’originalité radicale de la pensée négative des
rebelles du Chiapas. Pour les zapatistes, la conquête du pouvoir
politique n’est plus l’horizon indépassable de la lutte. Bien
au contraire, leur projet repose sur un affranchissement du pouvoir.
Jérôme Baschet (Baschet, L’étincelle zapatiste. Insurrection indienne et résistance
planétaire, Denoêl, 2002.)
souligne que la force du néo-zapatisme tient principalement à sa
critique de l’avant-gardisme révolutionnaire et de la tentation, héritée
du léninisme, de la prise du pouvoir. Or cette conception cadre
parfaitement avec la manière dont les activistes d’Indymedia, qui se
sont nourris de la philosophie du néo-zapatisme envisagent leur action
dans le champ de
« l’insurrection communicationnelle ». Tout comme l’armée zapatiste est
arrivée à la conclusion qu’il fallait restituer à la société civile le
pouvoir récupéré à l’Etat, les animateurs du réseau Indymedia,
conscients qu’en contrôlant un média ils exercent une forme de pouvoir
symbolique, sont convaincus qu’il leur faut se dessaisir de ce pouvoir.
C’est notamment de cette mission que l’outil open publishing a été
initialement investi.
La fonction critique de l’open publishing en crise ? La récupération de la critique
Qu’est devenu le projet Indymedia aujourd’hui ? Si la philosophie du
projet n’a pas été remise en question à la base, l’expérience de l’open
publishing a montré certaines de ses limites et ouvert des pistes de
réflexion nouvelles(Il semblerait que l’anniversaire des 10 ans d’Indymedia soit l’occasion
d’effectuer un bilan et de dresser quelques perspectives à l’échelle du
réseau mondial. À l’initiative de médiactivistes d’Indymedia Bresil, une
rencontre internationale est prévue prochainement.).
Contrairement au contexte de création du
réseau Indymedia en 2000, des outils simples et gratuits
d’autopublication sur Internet (blogs, wiki, médias sociaux…) sont
aujourd’hui disponibles, permettant aux internautes d’intervenir dans
l’espace public numérique. L’air du temps est à la participation et à la
remise en cause des intermédiaires. Aussi, l’impératif participatif
est-il au fondement d’un nouvel esprit du journalisme. Sur Internet, de
nouveaux acteurs des industries de l’information et de la communication
proposent de satisfaire la demande sociale en matière d’expression de
soi ( Sur le « paradigme expressiviste », voir Allard, « Express yourself 2.0 ! Blogs, podcasts, fansubbing, mashups... : de quelques agrégats technoculturels à l’âge de l’expressivisme généralisé ») .
Parmi eux, de nouveaux médias Web dits « citoyens » concurrencent
désormais Indymedia sur le terrain de la publication ouverte. De son
côté, la presse n’a pas tardé, dès l’apparition des blogs, à utiliser
les outils d’autopublication comme un moyen de remédier à la crise
qu’elle traverse (crise économique et crise de légitimité), et tenter de
conquérir un nouveau lectorat. Deuze et Patton le pressentaient en 2003
lorsqu’ils écrivaient que « la presse aurait
intérêt à regarder du côté des médias alternatifs tels qu’indymedia pour
se renouveler » ( Deuze, Platon, « Indymedia journalism, A radical way of making, selecting and sharing news », Journalism, Sage, 2003.).
La flamme ne s´éteint pas et le combat continuera. Vigile en hommage a Brad Will. |
Les médiactivistes font un constat amer. Ils ne sont pas dupes du
caractère
instrumental des dispositifs d’open publishing des sites des médias
mainstream. Cette innovation pour laquelle ils se sont battus a perdu
l’essentiel de son potentiel révolutionnaire en servant ce genre
d’opération de « lifting » symbolique. Alors qu’Indymedia ambitionnait
de faire de l’open publishing un outil de lutte capable de transformer
les rapports de productions de l’information, celui-ci a été mis au
service du l’institution journalistique et du capitalisme médiatique. En
outre, une observation du contenu des sites passés à l’open publishing
révèle que la radicalité politique est soluble dans le « journalisme
citoyen ». Or, pour les médiactivistes, il ne fait pas de doute que sans
radicalité politique, la participation n’est qu’une coquille vide. La
publication ouverte n’est pas une fin en soi mais un moyen
d’agir contre les dominations pour « changer le monde ». Aujourd’hui
l’open publishing ne représente plus un danger pour le système. Au
contraire. Aussi, défendre l’open publishing sans critiquer la manière
dont ses objectifs ont été dévoyés reviendrait-il, pour les
médiactivistes, à faire cause commune avec « l’ennemi » qui s’est emparé
du concept. En étant récupéré par le pôle médiatique mainstream, le
principe de l’open publishing a épousé la trajectoire de la plupart des
produits de la contre-culture. Et on ne peut s’empêcher de faire un
parallèle avec les conclusions du travail de Luc Boltanski et Eve
Chiappello sur le nouvel
esprit du capitalisme (Boltanski, Chiappelo, Le nouvel esprit du capitalisme, Gallimard, 1999) :
la récupération, par le capitalisme, d’une partie de la critique qui
lui est adressée lui permet de désarmer cette critique pour mieux se
redéployer. Autre constat amer : certains médiactivistes considèrent
qu’ils sont désormais à la traîne en matière d’innovations techniques et
éditoriales. Alors qu’ils ont bénéficié d’une longueur d’avance en
expérimentant avant tout le monde l’open publishing, en matière de
diffusion de vidéos militantes ou de publication instantanée, ils ont
aujourd’hui une bataille de retard face à des géants du Web tels que
Youtube ou Twitter qui ont su proposer des applications correspondant
aux attentes de la communauté militante. « On n’a pas de Youtube
alternatif. Et même si on en inventait un pour ne pas être dépendants
d’eux, on ne ferait que copier ce
qu’ils font déjà ».
Une expérimentation politique permanente de l’open publishing
Les difficultés auxquelles sont confrontés les collectifs Indymedia sont
majoritairement liées à la modération et nous renseignent sur les limites de l’open publishing.
Déjà en 2002, dans un débat en ligne sur l’open publishing, un
observateur notait que l’augmentation de l’audience des sites Indymedia a
créé un appel d’air pour un nombre croissant « d’histoires qui sont
plus ennuyeuses qu’utiles pour la plupart des lecteurs ». La
multiplication des contributions demande en effet un effort certain au
lecteur pour faire le tri et se repérer au milieu de tous les articles.
Quant aux modérateurs, qui doivent également faire face à la charge
qu’induit la multiplication de messages, ils expriment une frustration
liée au mésusage de la publication ouverte qui nuit à la qualité globale
du contenu. En 2003, Beckerman écrivait que « la publication ouverte
est devenue, dans certains cas, le plus grand
handicap d’Indymedia ».
C’est d’ailleurs, comme le rappelle Andrea Langlois, pour lutter contre
toute sorte d’abus de l’open publishing (pornographie, incitation à la
haine, etc.) que la plupart des sites ont développé des « politiques
éditoriales » transcrites dans les chartes (Dubois, Langlois, Médias autonomes, Lux, 2006).
Si cette mesure a permis de réduire le « bruit », les modérateurs
estiment que la modération « consomme encore trop de temps et
d’énergie » et déplorent qu’une proportion importante de contributions
se résume à de simples copiés-collés, des messages hors contexte local,
totalement hors-propos ou incompréhensibles. « Le fil de news ouvert est
vraiment une poubelle », nous dit un membre d’indymedia Chiapas.
Comment dès lors tendre vers des contributions de « qualité » et
améliorer l’ « utilité » du site sans renoncer à l’open publishing ni
instaurer une forme de contrôle éditorial ? Voilà un enjeu de taille
pour tous les collectifs Indymedia. À Grenoble, le collectif a rédigé
une lettre expliquant les « tracas et controverses du moment liés à la
tâche souvent ingrate de modérateureuses ». Parmi les principaux écueils
de l’open publishing, il recense : un nombre jugé trop important
d’articles d’opinion en rapport au nombre d’articles d’informations
locales, une quasi absence d’enquêtes critiques, et surtout, une
monopolisation de l’espace éditorial par quelques groupes politiques ou
individus habitués à « larguer leurs écrits fréquemment et sur le plus
de sites possibles ».
Mais de tels avertissements ne suffisent pas à
infléchir la tendance et à sortir de certaines impasses. Indymedia est
par exemple le théâtre
d’une polémique qui oppose, autour du conflit israélo-palestinien et de
l’antisémitisme, quelques individus aux pseudonymes désormais bien
connus des modérateurs. Face à cette question qui déchaîne les passions,
adopter une attitude juste n’est pas simple. Trop de passivité dans la
modération ouvre la porte aux propos injurieux et haineux, exposant le
collectif, légalement responsable du contenu publié, à des poursuites
judiciaires.
Pour surmonter ce genre de problèmes et sortir de situations de
crise, des collectifs
expérimentent des solutions techniques et éditoriales. La fonction
« commentaires » a été rebaptisée « complément d’information » de
manière à dissuader les réactions à chaud qui n’apportent rien au
« débat constructif ». À Grenoble, les compléments d’information sont
modérés a priori (ils ne sont pas visibles avant d’avoir été modérés
contrairement aux articles) pour éviter « l’effet forum » et les
réactions en cascade. Indymedia Toulouse limite dans le temps la
possibilité de commenter des articles : « suite aux différents abus de
contributeurs, il ne sera plus possible de poster de compléments
d’information 3 jours après
la publication de l’article ». À Indymedia Nantes, un principe dit de
« modé-prudence » a été mis au point de manière à « expérimenter de
nouvelles manière de modérer » et « dépasser les problèmes ponctuels ».
Le collectif débat de questions aussi diverses que le floutage des
photos ou l’apologie de personnalités politiques, et « une fois que ces
expérimentations sont rentrées dans les pratiques du collectif, elles
sont intégrées à la charte ».
Le travail sur la charte est bien un levier qui permet aux collectifs
Indymedia de tenter, en toute autonomie, de remédier à certains
problèmes récurrents. Sans renoncer au principe qui consiste à ne pas
décider à la place du lecteur ce qu’il est en droit ou pas de lire, les
médiactivistes peuvent faire évoluer la charte qui explicite l’esprit du
projet et, en creux, la ligne éditoriale du site. Ces dernières années,
du moins dans le réseau francophone, la tendance était à une certaine
restriction de l’open publishing. Face aux à ceux qui voient dans cette
attitude un abandon de l’esprit d’Indymedia, d’autres, plus
pragmatiques, essayent de
trouver un équilibre. « Tout est dans la question de savoir où l’on
place le curseur » entre l’ouverture totale et ce que d’aucuns appellent
la « censure ». S’il n’est pas question de parler d’une opposition
entre deux courants constitués comme tel, les « puristes » contre les
« sceptiques » de l’open publishing, on relève toutefois des divergences
sur le fond chez les modérateurs comme chez les contributeurs.
D’ailleurs, les modérateurs disent recevoir régulièrement via les listes
de diffusion ou par commentaires d’articles interposés, des invectives
de contributeurs qui crient à la censure. Le spectre de la censure plane
tout comme la suspicion qui entoure l’équipe de modération d’être tenté
par une reprise en main autoritaire du projet.
Si, sur Indymedia, il n’y a pas, comme certains le fantasment, de
« politburo » ni de
« comité de censure », une sélection d’articles est bel et bien opérée.
Open publishing ne signifie pas que tout mérite d’être publié. Les
médiactivistes s’efforcent de se départir d’une conception libérale qui
sacralise la liberté d’expression au détriment d’une exigence sur la
nature du contenu. C’est cette exigence politique qui d’une certaine
manière distingue Indymedia d’autres médias dits « participatif », comme
Agoravox à qui on le compare souvent. Cela conduit à une situation
paradoxale où il semble parfois plus simple de publier sur des sites
marchands comme Le post.fr que sur Indymedia. Comme si les médias
mainstream était parvenu à retourner contre ses inventeurs la force de
cet « outil de communication sans censure ». Mais ce paradoxe n’est
qu’apparent. Il semble très clair que l’open publishing ne peut
fonctionner sans générer de frictions. Comme il semble clair qu’une
bonne partie des décisions de modération résulte de choix cornéliens :
est-ce que cette information est suffisamment claire ? Est-ce que les
thèses défendues dans ce texte entrent en contradiction avec les
présupposés politiques du projet ? etc. Les modérateurs ne prétendent
pas gommer leur part de subjectivité dans l’interprétation du contenu
des contributions. Aussi, à chaque cas problématique, les discussions
durent-elles jusqu’à que les membres du collectif
parviennent à se mettre d’accord, la décision se prenant toujours au
consensus.
Le chantier est permanent. En redéfinissant régulièrement les critères
de modération, les collectifs Indymedia sont engagés activement dans un
processus d’expérimentation politique de l’open publishing. L’expérience
prouve que ce processus est pour le moins contraignant. Dès lors, les
problèmes inhérents à l’open publishing peuvent exercer un effet
repoussoirs sur des personnes impliquées dans l’information alternative.
Engagés dans la création de sites locaux d’information alternatives,
des médiactivistes disent avoir été séduits par l’esprit et le potentiel
de l’open publishing, avant de renoncer à en adopter le principe.
C’est le cas d’un membre de Rebellyon, site d’information alternatif
lyonnais qui n’est pas affilié au réseau : « Sur Indy, il y a des choses
qui n’ont pas d’intérêt, qui polluent le site. Et il y a des textes
dont le contenu est intéressant mais qui, dans l’état, sont pour nous
impubliables ». C’est peut-être le prix à payer pour reconduire, en
acte, une critique radicale du journalisme, et pour construire un autre
rapport à l’information, plus horizontal, ce qui, s’il fallait le
rappeler, reste l’objectif premier d’Indymedia.
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