Cette fois-ci on reproduise un article de Pierre-Marie David , Gabriel Girard et Vinh-Kim Nguyen paru sur La Vie des Idées le 19 Mai; en partant
dès des derniers déroulements en la lutte contre le Sida (autant à niveau médicale-scientifique
que politico-institutionnelle) les
auteurs posent des questions d´ordre pas seulement sanitaire mais aussi morale
et politique. Comme d´habitude, on y a ajouté des hyperliens, infographies ainsi
que une émission de Inside
Story d´Al Jazzera de Novembre 2013
consacrée au sujet.
Médicaments Antirétroviraux, photo extraite de Shortages of Life-Saving HIV/AIDS Medications in South Africa Borgen Magazine Decemebre 2013
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Sida et biocapitalisme.
Les nouvelles ambiguïtés d’un "monde sans sida"
La fin de l’épidémie de sida n’est
pas seulement un objectif de santé publique : c’est un projet qui
suppose l’extension du marché des médicaments, un investissement
économique dans les corps infectés. Cet essai examine les enjeux
politiques de cette médicalisation ainsi que ses risques, à partir du
concept de "biocapitalisation".
"As we continue to drive down the number of new infections and drive up the number of people on treatment, we will get ahead of the pandemic and an AIDS-free generation will be in sight". Hillary Clinton, 2012
Alors que les dernières avancées dans la lutte contre le VIH/Sida
sont célébrées et que la communauté scientifique affirme qu’un « monde
sans sida » est à notre portée, les derniers bruits de coulisse de
l’année 2014 en provenance du Fonds mondial de lutte contre le sida, la
tuberculose et le paludisme (FM) sont plutôt inquiétants. Cette
institution multilatérale, fondée en 2002, est en train de revoir des
stratégies de "tarification différenciées" pour l’accès aux
traitements antirétroviraux. Le primat de la santé des populations sur
la recherche de profits pharmaceutiques est mis en cause. Cette nouvelle
stratégie marque un changement important par rapport à la compétition
entre fabricants de médicaments génériques qui prévalait jusqu’alors, et
qui permettaient en 2012 de financer deux tiers des traitements dans le
monde. Les avancées médicales dans le traitement et la prévention du
sida, et le militantisme thérapeutique qui les a portés, seraient en
passe de tomber dans le piège d’un projet biocapitaliste, défini comme
la production et l’accumulation de valeur économique à partir de la vie
biologique.